Mercredi il y a trois semaines, notre prof de suédois a pris un air grave et nous a demandé si nous savions qui était Astrid Lindgren. Consternation générale, nous ne savions pas qui était Astrid Lindgen. Ozan et moi (parce que, oui, nous sommes les seuls survivants du cours de suédois) avons alors regardé, interloqués, la prof dessiner au tableau quelque chose qui ressemblait à une petite fille avec des nattes.

C'est alors que j'ai brillé par ma culture générale avancée en m'écriant "yeahhhh, Pippi Långstrump". N'allez pas croire que sous le coup de l'emotion, j'ai jugé utile de faire état, publiquement, du contenu de ma vessie. Pippi Långstrump est celle qu'en France nous appelons Fifi Brindacier. Et par extension, vous avez donc compris qu'Astrid Lindgren est l'auteur de ce roman pour enfants, écrit en 1945.

Il s'avère que cette charmante dame a écrit beaucoup de romans pour les enfants, dont certains titres comme Pippi Långstrump ont été traduits dans 85 langues et publiés dans plus de 100 pays différents. Ce fameux mercredi où nous avons parlé d'elle, aurait été le jour de ses 100 ans si elle avait été toujours vivante. A cette occasion, notre prof nous a proposé d'allumer une bougie en sa mémoire.

Parce que figurez-vous, chers lecteurs, qu'ici en Suède, Astrid Lindgren est une fierté nationale, au même titre qu'ABBA (même s'il n'y a vraiment pas de quoi être fier). A tel point que la semaine suivante, notre gentille prof nous a rammené de la bibliothèque Fifi Brindacier (en français, pour moi) et Pippi Uzunçorap (en turque, pour Ozan), histoire de compléter notre culture générale. D'ailleurs elle n'avait pas emmené que ça, après deux heures de cours plus ou moins approximatives, elle est partie chercher une télé et nous a annoncé qu'on allait regarder un film. Et ce film, les amis, c'était Lotta flyttar hemifrån(Lotta quitte la maison), toujours tiré d'une histoire écrite par Astrid Lindgren.

Nous n'avons pas été décus du voyage. Globalement, c'était l'histoire d'une famille suédoise tout à fait classique. Un matin, après le départ des deux ainés et du papa, la maman va reveiller la petite dernière, Lotta, 6 ans. Celle-ci, n'ayant pas encore posé un pied par terre, est mal lunée et refuse de mettre le pull que sa maman lui a préparé. Sa peau délicate ne supportant pas la laine qui gratte, elle exprime sa contrariété en faisant une colère. Pas déstabilisée et totalement zen, la maman s'en va siroter un café en lisant le journal après lui avoir dit, que si elle veut son chocolat chaud, il fallait mettre le pull. Deuxième couche de colère, Lotta veut son cacao, sans pull, plus vite que ça. Toujours relax, la maman ne dit rien. Elle se prépare à aller faire les courses, en disant que, pas de pull, pas de courses, tu restes à la maison, moi je m'en vais. Pas un mot plus haut que l'autre, elle regarde la gamine taper du pied en hurlant et s'en va, son petit panier au bras.

Toute seule à la maison, Lotta attrape une paire de ciseaux et déchiquette le maudit pull qui gratte, puis laisse un mot disant qu'elle quitte cette maison de bourreaux fascistes, et s'en va. Elle atterit chez la voisine, gentille petite mamie, et lui explique qu'elle prend son independance et qu'elle cherche un endroit à louer pour y vivre. La voisine l'installe dans son grenier et lui apporte à manger. Le temps passe, le frère et la soeur viennent rendre visite à leur petite soeur indépendante. Puis arrive la maman, qui, super flex, apporte une plante verte, tradition suédoise pour inaugurer une nouvelle maison. Elle informe Lotta qu'elle est toujours la bienvenue à la maison. Enfin, le papa vient rendre visite à sa fille en lui disant qu'il est malheureux qu'elle soit partie, et qu'il va rentrer pleurer. Il précise cependant que ce soir c'est köttbullar et macaronis à la maison, si elle veut venir. Mais non. Et puis bien sur, dans la nuit, le grenier grince et d'un coup Lotta se dit qu'à la maison c'est quand même plus cozy. Au même moment, son papa arrive et la ramène à la maison.

Ensuite, c'est le passage du film qui m'a le plus enervée. Elle revient à la maison dans les bras de son papa qui la refourgue à la maman, et là, l'odieuse gamine dit à sa mère qu'elle a tailladé son pull, qu'elle est partie, qu'elle voudrait bien s'excuser mais que, non, elle ne s'excusera pas, elle n'est pas désolée. Ce à quoi, la maman répond "ok, si je m'excuse, tu t'excuses?". Marché conclu. Fin du film.

Alors ok, je suis peut-être un monstre ou un bourreau d'enfants, mais après cinq minutes de film, j'avais envie de rentrer dans l'ecran pour expliquer la vie à la morveuse et lui faire manger son pull. Et quand à la fin, c'est la maman qui s'excuse (de quoi, on peut savoir?) j'ai définitivement conclu que je ne comprenais rien à l'éducation suédoise. La prof nous a dit que c'était une maman typiquement suèdoise qui était representée là. N'empêche que je ne sais pas à quoi elles tournent ici les mamans, mais d'experience, je peux vous dire qu'une colère pareille en France aurait été réglée de façon plus energique.

Bref, tout ça pour dire qu'Astrid Lindgren depeind en grande majorité des enfants à fort caractère à qui il arrive tout plein d'aventures. D'ailleurs je m'en vais me plonger dans "Zozo la tornade", que m'a aussi gentiment preté ma prof, histoire de m'imprégner complètement, et d'être prête si un jour je dois gérer un enfant suédois sans utiliser la violence.

A bientôt !